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Libre rage ( relais et point de chute !)
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Libre rage ( relais et point de chute !)
5 août 2010

Lettre MAF de Versailles

Maison d’arrêt de Versailles

le 15 avril 2010

J’ai passé une sale semaine.

A Fleury, j’avais fait la connaissance d’une fille sympa, Soussou. Celle-ci faisait toutes les démarches auprès de son juge pour venir à Versailles pour rejoindre sa sœur qui y était incarcérée aussi. Quand je suis arrivée, elle était au service général avec sa sœur, tout se passait bien ; mais comme c’était la détenue qui n’avait pas la langue dans sa poche, comme on dit, et qui n’hésitait pas à dire ce qu’elle pensait, et qui ne cautionnait pas les rapports que pouvaient avoir certaines surveillantes avec des détenues, tout de suite et très vite, le ton est monté.

Le mardi, on m’appelle « en urgence » pour me demander de prendre avec moi Soussou, car on lui avait promis d’attendre trois semaines, le temps que ça se calme, avant de pouvoir réintégrer la cellule de sa sœur. Faut dire qu’entre-temps, elle avait intégré une autre cellule de six, donc en une semaine, deux changements pour elle.

Le mardi donc, j’accepte de la prendre avec moi, plus pour elle que pour eux, car je voulais vraiment que ça s’arrange pour elle. J’essayais de lui dire de patienter, de laisser calmer les choses, histoire de « laisser passer l’orage » comme ils disent. Bref, tout se passait bien en cellule, elle était résignée à attendre pour rejoindre sa sœur.
Le vendredi, on va à la douche, et en remontant on m’appelle. Je vois le gradé et il me demande d’aller au parloir avocat car Soussou va être transférée à Fresnes ; rebelote pour elle. Sans pitié, ils n’ont même pas cherché à parler avec elle : « Transfert, préparez vos affaires ! » La raison, on ne sait pas trop. Élément trop perturbateur ! Mais le côté humain, il est où ? Comment voulez-vous que les gens ne pètent pas un plomb, quand on voit ce genre d’injustice ? Parce qu’on n’est pas d’accord avec leur façon de procéder ou de faire et qu’on a le malheur de dire haut et fort les choses, on t’écarte ! Mais c’est quoi, ça ?

Personnellement, j’étais choquée. Ça m’a fait mal pour Soussou et j’avais encore plus la rage parce que moi, ils m’ont prise pour une conne. Ce jour-là, je les ai tous regardés un par un, sous-directrice comprise, gradés, surveillantes, toutes : « Vous me demandez encore une fois de faire l’assistante sociale à votre place, on verra, plus personne ne rentrera dans la cellule jusqu’à mon départ en centrale. » Car le jour où on m’a ramené Soussou en cellule, j’ai demandé à partir ; pendant toute mon incarcération ici, j’ai toujours émis le souhait de rester seule. Officiellement, c’est oui, mais officieusement c’est autre chose. Je suis fatiguée de toute cette mascarade, de cette façon dont on t’utilise, toi, détenue, pour gérer les problèmes qu’ils n’arrivent même pas à gérer eux-mêmes. Je ne suis pas dupe, et encore moins bête pour comprendre qu’ils se servent de toi comme d’une marionnette.

[...] Bref, là je suis en mode dégoûté, mais vraiment. J’ai fait mon courrier pour confirmer que je voulais partir à Rennes. Le greffe me répond que mon dossier est en cours, ça c’est jeudi. Le vendredi matin, je vois la SPIP, elle me dit qu’on ne lui a rien transmis comme dossier ; elle-même ne comprend pas car c’est elle la première qui doit faire le nécessaire. Allez comprendre !

Depuis, j’ai posé ma démission, je ne veux plus participer et cautionner cette hypocrisie générale. Je ne veux plus qu’on m’utilise. En restant dans cet atelier, je suis sûre et certaine qu’ils auraient freiné ma demande de transfert. Tes états d’âme ; ils s’en foutent, ici ils ne pensent qu’à leurs intérêts personnels.

Dernière chose, je m’adresse à tous les détenus qui croient que ce sont les surveillantes qui vont les libérer de prison et je parle en connaissance de cause. À toutes les détenues qui passent leur temps dans les bureaux des gradés et qui prennent parti pour les surveillantes alors qu’un détenu comme toi, en face, se bat pour ses droits… franchement, la roue elle tourne. N’oublie jamais la ligne que tu ne dois pas franchir entre elles et toi. Le jour où y aura un problème, quelles que soient vos relations de copinage, malsaines quelquefois, elles mettront les casques, te soulèveront et fermeront la porte comme elles le font chaque soir !

Celles et ceux qui écoutent se reconnaîtront. Dans la vie, il faut choisir son camp, et y a des camps que tu ne pourras jamais franchir complètement, tu resteras toujours de côté, ou sur la ligne, car ta personnalité, toi-même tu ne la connais pas, et tu n’es pas libre de tes opinions. Comprend qui veut, comprend qui peut !

Ah oui, j’avais oublié de vous dire que le soir où on m’a mis Soussou dans la cellule, la gradée (une détenue me l’a confirmé ce matin, et ce sont les propres mots de l’intéressée) s’est permis de rester toute la soirée derrière la porte pour écouter notre conversation. Voilà les nouvelles méthodes de l’administration pénitentiaire : écouter aux portes. En plus de nous surveiller jour et nuit, ils nous écoutent à quatre pattes derrière la porte.

Sans commentaire.


Salutations fraternelles

Kaoutar

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