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Libre rage ( relais et point de chute !)
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Libre rage ( relais et point de chute !)
11 octobre 2008

Les poursuites se multiplient contre les opposants à la politique d'immigration du gouvernement

( Humanité du 9/10/08 )

Sous la présidence Sarkozy, il ne fait pas bon
soutenir les sans-papiers.

Ils se tiennent tous les quatre face au juge, tête baissée et mains
derrière le
dos. Leur crime ? S'être opposés pacifiquement à l'expulsion de deux
Maliens, le
27 février 2008, à bord du vol Paris-Casablanca de la Royal Air Maroc. À la
barre, Raphaël Quenum raconte : « Un homme à terre hurlait. Un policier
l'étranglait, un deuxième posait son genou sur sa poitrine et le troisième
lui
tenait les jambes. Un être humain ne mérite pas d'être ainsi malmené. » Les
quatre passagers comparaissaient le 26 septembre devant le tribunal de
Bobigny
pour « provocation directe à la rébellion et entrave à la navigation d'un
aéronef ». La procureure a requis quinze jours d'emprisonnement avec
sursis et
500 euros d'amende. Le jugement est attendu demain.

Première étape : la décrédibilisation

Il ne fait pas bon, par les temps qui courent, s'opposer à la politique
d'immigration du gouvernement. La répression frappe tous azimuts : les
particuliers, comme ces quatre passagers de la Royal Air Maroc, ne sont
que la
partie visible d'une politique de plus en plus sévère à l'encontre des
soutiens
aux sans-papiers. En première ligne : les associations, qui s'opposent chaque
jour à la politique du chiffre menée par Nicolas Sarkozy et son ministre de
l'Immigration, Brice Hortefeux.

Première étape : la décrédibilisation. Ou comment faire passer un vaste
mouvement citoyen pour une agitation orchestrée par quelques dangereux
gauchistes. En juin dernier, une note interne du ministère de la Justice
évoque
une « mouvance anarcho-autonome », qui s'exprimerait notamment « à
l'occasion de
manifestations de soutien (...) à des étrangers en situation irrégulière ».
L'incendie du centre de rétention de Vincennes, le 22 juin, donne un coup
d'accélérateur à ces allégations. Pour le gouvernement, les coupables sont
tout
trouvés. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, accuse le Réseau Éducation
sans frontières (RESF) de « provocations aux abords de ces centres, au
risque de
mettre en danger des étrangers retenus ». David Weiss, délégué national des
Jeunes UMP, va plus loin, qualifiant RESF comme un « mouvement quasi
terroriste
» qui « pousse les gens à foutre le feu partout ». Jusqu'à présent, aucune
plainte n'a été déposée contre le réseau. Mais ses militants restent sur le
qui-vive. « On est dans la ligne de mire, indique Richard Moyon. On sait
qu'on
est attendu au tournant et qu'au moindre faux pas... »

poursuivi pour outrage à autorité publique

Une étape supplémentaire a toutefois déjà été franchie. À Rennes, Paris,
Tours
ou dans le Jura, les attaques judiciaires se multiplient. Pour Stéphane
Maugendre, président du GISTI (Groupe d'information et de soutien des
immigrés)
et avocat des trois militants de Rennes (lire ci-après), ces poursuites
judiciaires restent au stade de l'intimidation, mais témoignent du
franchissement d'une ligne jaune : « Après la création, en 2003, d'un
"délit de
solidarité" (1), on est passé à quelque chose de complètement nouveau. Les
poursuites contre les associations existaient déjà, mais pas à ce niveau-là.
Toute critique contre la politique d'immigration est désormais dans le
collimateur du gouvernement. »

Ainsi, le gouvernement n'hésite pas à poursuivre les militants qui
comparent les
rafles de sans-papiers à celles menées contre les juifs pendant la dernière
guerre. Dernier exemple en date : celui de Romain Dunand, trente-cinq ans,
habitant du Jura, militant à RESF et à la CNT, qui se dit aujourd'hui un
peu «
dépassé » par les événements. En 2006, il participe à la campagne de
soutien à
Florimont Guimard, instituteur poursuivi en justice pour avoir empêché
l'expulsion d'un père de famille sans papiers et de ses deux enfants. Mandaté
par son syndicat, il écrit à Nicolas Sarkozy, alors ministre de
l'Intérieur : «
Voilà donc Vichy qui revient : Pétain avait donc oublié ses chiens ! »
Sentence
rendue par la justice en février dernier : 800 euros d'amende et un euro de
dommages et intérêts pour outrage à autorité publique. Romain Dunand a fait
appel et sera rejugé le 22 octobre à Paris. « Ce sera le procès de la
solidarité
et de la liberté d'expression en général », assure le militant qui promet un
procès politique. L'anthropologue Emmanuel Terray et Maurice Rajsfus, de
l'Observatoire des libertés publiques, seront d'ailleurs appelés à la
barre pour
l'occasion.

Les militants risquent cinq ans de prison

Le procès politique, l'association SOS soutien aux sans-papiers s'en
rapproche à
grands pas. Ses accrochages avec le ministre de l'Immigration, Brice
Hortefeux,
ont été le feuilleton de l'été dernier. Résumé des épisodes précédents : le 2
août, alors qu'une poignée de militants manifestent devant le centre de
rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), le feu prend à l'intérieur.
Trois
jours après, le ministre annonce le dépôt d'une plainte contre SOS, accusée
d'être à l'origine de l'incendie. Depuis, si l'avocat de l'association, Henri
Braun, déclare n'avoir toujours aucune nouvelle de la fameuse plainte, le
parquet de Bobigny a ouvert une enquête préliminaire pour « provocations,
suivies d'effets, à commettre des dégradations dangereuses ». Les militants
poursuivis risquent tout de même jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros
d'amende...

Dernier épisode en date : le 24 septembre, trois membres de l'association
et un
sympathisant sont auditionnés. Le même jour, Muriel Elkolli,
cinquante-deux ans,
militante du Collectif de soutien aux demandeurs d'asile et aux
sans-papiers de
Tours, qui n'a pourtant pas mis les pieds au Mesnil-Amelot le 2 août, est
également entendue. « Les deux gendarmes venus spécialement de Paris m'ont
dit :
"Vous trouvez pas que ça fait beaucoup ? La fermeture du CRA de Blois, la
destruction de Vincennes et maintenant l'incendie au Mesnil-Amelot." Ils nous
considèrent comme des fous furieux qui mettons le feu et nous réunissons en
secret. Mais la vraie cause de ces incendies, c'est leur politique
d'enfermement
des étrangers. »

Quant aux militants du comité des sans-papiers du Nord (CSP 59), ils doivent
faire face à de nombreuses attaques depuis plusieurs mois. En décembre 2007,
l'un d'entre eux est arrêté et mis en garde à vue trente-six heures sans
qu'aucune plainte ne lui soit notifiée. Bis repetita en janvier, le même
militant est gardé à vue vingt-quatre heures. Début février, c'est au tour de
l'emblématique porte-parole du CSP 59, Roland Diagne, d'être convoqué à la
brigade criminelle. On lui signifie alors que la ministre de l'Intérieur,
Michèle Alliot-Marie, a porté plainte contre X suite à deux tracts jugés
attentatoires à son honneur. Depuis : rien. « On n'a aucune nouvelle,
proteste
Roland Diagne. Si une plainte avait été déposée, au moins, on pourrait se
défendre, mais là, ils nous arrêtent, nous relâchent... on ne peut rien
faire. »

Première conséquence de ces multiples poursuites : la radicalisation du
mouvement. « La multiplication des attaques crispe un certain nombre
d'associations, analyse Stéphane Maugendre. Celles qui n'étaient pas
forcément
dans la contestation durcissent le ton. » Pour les plus optimistes, l'énergie
dépensée par les pouvoirs publics pour tenter de réduire au silence les
militants démontre l'efficacité de leur action. « Il existe une vraie
évolution
de l'opinion publique, note Richard Moyon de RESF. Il y a quelques années, il
était impensable que des parents d'élèves se couchent sur la chaussée pour
empêcher l'arrestation d'un père de famille. On prend des coups, c'est vrai,
mais on en rend aussi... »

(1) Le délit « d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour d'un
étranger en
situation irrégulière » est punie de 5 ans d'emprisonnement et de 30 000
euros
d'amende.

( Marie Barbier )

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