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Libre rage ( relais et point de chute !)
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Libre rage ( relais et point de chute !)
10 novembre 2009

Message d’Ehsan Fattahian militant kurde iranien

“Je n’ai jamais eu peur de la mort”

Message d’Ehsan Fattahian, prisonnier politique condamné à mort dont
l’exécution est prévue pour le 11 novembre 2009, publié par Militants
des
droits Humains en Iran le 9 novembre :

Les dernières lueurs du soleil au crépuscule
Me montrent le chemin sur lequel écrire
Le bruits des feuilles sous mes pas
Me disent “Laisse toi tomber
et tu découvriras le chemin de la liberté”

Je n’ai jamais eu peur de la mort. Même maintenant, alors que je sens
sa
présence étrange et honnête près de moi, je veux encore sentir son
arôme
et la redécouvrir ; la mort est le plus ancien compagnon de cette
terre.
Je ne veux pas parler de la mort, je veux poser les questions qui sont
derrière elle. Aujourd’hui, lorsque le châtiment est la réponse à ceux
qui cherchent la liberté et la justice, comment peut-on la craindre ?

Ceux d’entre “nous” qui ont été condamnés à mort par “eux” ne sont
coupables que de chercher l’ouverture vers un monde meilleur et plus juste.

Est- ce que “ils” sont aussi conscients de leurs actes ?

J’ai commencé ma vie dans la ville de Kermanshah, dont le nom est
toujours sur la langue de mes compatriotes pour sa grandeur, la ville dont on
dit qu’elle est le berceau de la civilisation. Alors que mes pensées se
développaient, j’ai pu voir et sentir l’injustice et la
discrimination, une injustice qui me touchait pas seulement en tant qu’individu mais
en tant que membre du genre humain. Je suis partis dans des milliers de
directions différentes pour trouver les raisons de l’injustice. Hélas,
ils avaient tellement fermé les perspectives pour ceux qui cherchaient la
justice que je n’ai pu y trouver ma voix. J’ai migré vers un autre
horizon, hors des limites superficielles, pour trouver les réponses à
mes questions. Je suis devenu un membre de Komalah (1) pour trouver mon
identité volée. Pourtant, je ne me suis jamais séparé de ma première
maison et  j’y retournais par moments pour renouveler mes souvenirs.
Et ensuite, un jour, ils m’y ont trouvé lors d’une de mes visites, m’ont
arrêté et m’ont mis dans une cage. Dès le premier jour, l’accueil que
m’ont réservé mes geôliers m’a convaincu que mon destin serait
similaire à ceux qui ont marché avant moi le long de cette route :  torture,
accusations fabriquées, tribunal biaisé, un verdict injuste et motivé
politiquement et finalement la mort.

Laissez moi m’exprimer sur cette route : après avoir été arrêté le 20
juillet 2008 à Kamyaran, j’ai été emmené au bureau local du ministère
des renseignements. Quelques heures plus tard, j’avais les yeux bandés et
étais enchaîné et ne pouvais plus ni voir ni bouger, une personne, qui
s’est présentée elle-même comme secrétaire du procureur, a commencé à
m’interroger. Ses questions étaient  hors sujet et pleines
d’accusations
(laissez moi vous rappeler qu’il est strictement contraire à la loi
d’interroger les gens ailleurs que dans les cours et les tribunaux).

Ce fut la première des nombreuses sessions d’interrogatoires auxquelles j’ai
dû faire face. La même nuit, je fus emmené au siège provincial du
ministère des renseignements à Sanandaj où m’attendait une vraie fête : une
cellule sale avec des toilettes répugnantes. Les couvertures n’avaient pas été
lavées depuis des années.

Ce fut le début de trois mois de montées et de descentes d’escaliers
de ma cellule à la salle d’interrogatoire, où à chaque fois j’étais battu
le long du parcours. Les honorables enquêteurs étaient tellement désireux
d’obtenir une promotion ou de gagner un peu plus d’argent qu’ils m’ont
accusé de toutes sortes de choses bizarres, même des accusations
qu’ils savaient fausses. Ils ont utilisé tous les moyens en leur pouvoir pour
prouver que j’avais participé à des opérations armées. A la fin, ils
ont simplement pu prouver que j’avais été membre de Komalah et que j’avais
participé à des activités de propagande contre le régime. La
condamnation à dix ans de prison lors du procès initial est une bonne preuve qu’ils
‘avaient qu’une seule accusation.

La 1er branche du Tribunal Révolutionnaire de Sanandaj m’a condamné à
10 ans de prison, qui devaient se dérouler à la prison Ramhormoz, hors du
Kurdistan. L’establishment politique et administratif en Iran a
toujours été favorable à des politiques centralisée, mais, apparement, dans mon
cas, ils avaient décidé l’inverse ! Récemment, des cours d’appel
provinciales sont devenues l’autorité judiciaire pour décider dans les
dossiers relevant de prisonniers politiques, y compris dans les cas de
peines de mort. Les cas de peines capitales étaient de la juridiction
de la cour suprême. Aussi, le procureur de Kamayran a fait appel du
jugement initial et, de façon surprenante et contre la loi iranienne, la 4ème
branche de la cour d’appel du Kurdistan a transformé les 10 ans de
prison en condamnation à mort. Selon l’article 258 du code pénal iranien, les
cours d’appel ne peuvent décider d’une peine plus lourde que si la
condamnation initiale est inférieure à la peine minimale stipulée par
la loi.

L’acte d’accusation présentée par le procureur stipulait l’accusation
de Moharebeh (ennemi de Dieu). La peine minimale dans des cas similaires
est d’un an de prison. Maintenant, jugez par vous-mêmes et comparez la
peine de 10 ans de prison (en exil) avec le minimum requis par la loi, et
voyez combien la condamnation à mort est illégale, contraire à la loi et
politique.

Laissez moi ajouter que, peu avant que ma peine fut transformée en
condamnation à mort, j’ai été emmené de la prison de Sanandaj au
centre de détention du ministère du renseignement, où on m’a demandé de faire de
faux aveux devant une caméra, de montrer des remords pour des actes
que je n’avais pas commis et de rejeter mes convictions. Je n’ai pas répondu
à leurs demandes illégitimes, alors on m’a dit que ma peine de prison
serait transformée en condamnation à mort. Ils ont été rapides à tenir leur
promesse et ils m’ont prouvé à quel point les tribunaux acceptent
toujours les demandes des services de renseignement et des autorités
non-judiciaires. Comment peut-on dès lors critiquer les tribunaux ?

Tous les juges ont prêté serment de rester impartiaux en tout temps et
en toute circonstance, de juger selon la loi et rien que la loi. Combien
de juges de ce pays peuvent dire qu’ils n’ont pas brisé leur serment et
qu’ils sont restés équitables et impartiaux ? Selon moi, ils peuvent
se compter sur les doigts de la main. Lorsque l’ensemble du système
judiciaire en Iran ordonne des arrestations, des procès, des peines de
prison et des condamnations à mort au moindre geste de la main d’un
enquêteur sans éducation, que peut-on attendre de quelques juges de
seconde zone dans une province qui a toujours subi la discrimination ?
Oui, selon moi, ce sont les fondations de la maison qui sont en
ruines.

La dernière fois que j’ai rencontré en prison le procureur qui avait
ordonné la première peine, il a reconnu que la peine était illégale.
Pourtant, pour la deuxième fois, il a été décidé que mon exécution
devait
avoir lieu. Cela va sans dire que l’insistance d’appliquer la peine à
n’importe quel prix est le résultat de pressions exercées par les
groupes
politiques et des renseignements au sein de l’appareil judiciaire. Les
gens qui font partis de ces groupes ne voient la question de la vie ou
de la mort d’un prisonnier que sur la base de leurs propres intérêts
politiques et financiers. Ils ne voient que leurs propres objectifs
illégitimes, même lorsque c’est la question du droit d’un prisonnier à
la vie, le plus fondamental des droits humains. Qu’il est inutile
d’attendre d’eux qu’ils respectent les traités internationaux alors qu’ils ne
respectent même pas leurs propres lois !

Dernier mot : si les dirigeants et les oppresseurs pensent qu’avec ma
mort, la question kurde va disparaître, ils se trompent. Ma mort et la
mort de milliers d’autre comme moi ne guérira pas la douleur, ils ne
feront qu’ajouter des flammes à son feu. Il n’y a aucun doute que
chaque mort est le début d’une nouvelle vie.

Ehsan Fattahian, Prison Centrale de Sanandaj

(1) Komalah est une organisation kurde qui se définit comme marxiste,
voir le site de Komalah.

http://www.komalah.org/

http://www.komalah.org/english/index.htm

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