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Libre rage ( relais et point de chute !)
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Libre rage ( relais et point de chute !)
3 décembre 2009

Comment elle a été expulsée d’Israël

Véronique Bontemps, anthropologue française, raconte dans Rue89,
comment elle a été expulsée d’Israël alors qu’elle devait donner une
conférence à Jérusalem, à l’invitation du Consulat Général de France !

"Dimanche 22 novembre 2009 à 5h00 du matin, j’ai été expulsée du
territoire israélien. Anthropologue, Française, je devais intervenir à
une conférence à Jérusalem à l’invitation du Consulat général de
France. Le problème pour les Israéliens, c’est que je suis mariée avec
un Palestinien.

Je viens d’achever une thèse sur le patrimoine et l’identité locale à
Naplouse, en Cisjordanie. Depuis 2004, j’y ai effectué des séjours de
plusieurs mois, puis je revenais en France où je donne des cours à
l’université.

Comme il est impossible de se rendre dans les Territoires occupés sans
passer par Israël, qui en contrôle toutes les frontières, aériennes
(l’aéroport Ben Gourion) ou terrestres (le pont Allenby), c’est auprès
de l’Etat israélien qu’il me fallait solliciter un visa de tourisme de
trois mois pour aller à Naplouse poursuivre mes recherches et
rejoindre mon mari.

Depuis 2006, à chacun de mes passages, j’indiquais que je suis mariée
avec un Palestinien, fournissant à la demande de la police son numéro
de carte d’identité. J’ai souvent attendu des heures ; mais j’ai
toujours obtenu un visa.

« Pourquoi est-ce que vous entrez et sortez tout le temps ? »

Samedi 21 novembre 2009, j’arrive par l’aéroport Ben Gourion de Tel
Aviv vers 15 heures. En réponse à la question : « Quel est le motif de
votre séjour en Israël ? », je présente ma lettre de mission. Quelques
minutes plus tard, une policière arrive.

Elle prend mon passeport et m’intime de me rendre au centre de police,
où je m’assieds face à une autre policière. Celle-ci tient à la main
un feuillet qui comporte les dates de mes entrées et sorties du
territoire israélien depuis 2005. « Pourquoi est-ce que vous entrez et
sortez tout le temps ? », me demande-t-elle sèchement.

J’explique que je poursuis des recherches universitaires sur la région
de Naplouse et que, par ailleurs, je suis mariée avec un Palestinien
qui y habite. J’ajoute que ma visite a cette fois-ci des raisons
rofessionnelles, même si je vais bien sûr voir mon mari.

Je tends une nouvelle fois ma lettre de mission. Oui, j’ai le numéro
de téléphone de l’attaché culturel, oui, j’ai le numéro de carte
d’identité de mon mari, oui, je reprends l’avion cinq jours plus tard,
voilà le billet.

Ils me traitent comme ils traitent les Palestiniens

La policière m’annonce qu’on va vérifier mes dires. 20 minutes plus
tard, elle revient me voir :

« Comme vous êtes mariée avec un Palestinien, pour la sécurité
’Israël, nous ne pouvons vous laisser entrer. Vous devez faire demi-
tour et revenir par le pont Allenby [la frontière terrestre avec la
Jordanie]. Nous allons vous renvoyer en France. Vous prendrez l’avion
à 5 h du matin. »

Je reste sans voix. Je suis venue en mission pour le Consulat
français. Tous mes collègues sont entrés. Sauf moi, parce que je suis
mariée avec un Palestinien. Les Palestiniens n’ont pas le droit de
passer par l’aéroport ni d’entrer en Israël. On me traite donc comme
un Palestinien. C’est-à-dire comme un citoyen de deuxième catégorie.

La fin de la journée et la nuit en ont été une triste confirmation. On
m’autorise à téléphoner à la personne qui m’attend. Je lui explique
que je suis expulsée. Je ne peux téléphoner ni à mon ambassade, ni à
mon mari. Mes bagages sont repassés aux rayons X, je suis fouillée au
corps.

Autour de moi, dans la zone d’attente, des passagers d’origine arabe,
turque, africaine. Des policières viennent les voir, leur passeport à
la main. Parfois elles leur rendent, parfois elles partent avec eux.
Je pense à mon mari que je ne peux pas prévenir, j’essaie de ne pas
pleurer.

Une Colombienne en rétention depuis 22 jours

Vers 18h00, on me fait monter dans une fourgonnette de police
grillagée. Nous descendons devant un petit centre de rétention,
entouré de barbelés. On me fait déposer mes affaires, je ne peux
garder que mon argent. Pas de téléphone, pas de livre. On me donne un
sandwich et une petite bouteille d’eau, et on m’emmène dans ma
cellule.

Deux femmes (une Ukrainienne, une Colombienne) s’y trouvent déjà,
installées sur deux lits superposés en métal. La Colombienne, qui
tente de rejoindre son ami israélien, est là depuis 22 jours. Son ami
a engagé un avocat pour la faire entrer sur le territoire israélien.
Elle ignore pourquoi on lui interdit l’accès.

Plus tard, une dame d’un peu plus de 50 ans est introduite dans la
cellule. Réfugiée en Angleterre d’un pays d’Afrique, elle est venue
avec un groupe de pèlerins. Elle ne possède pas de passeport
britannique, mais seulement un document de voyage. Elle ne comprend
pas ce qui lui arrive, de se retrouver là, dans cette cellule. « God
bless them » (Dieu les bénisse, ndlr), marmonne-t-elle.

Dans la cellule, nous ne pouvons pas éteindre la lumière. Quand le
gardien passe, je lui demande une deuxième couverture, j’ai froid. Il
me dit : « Je vais demander. » Mais il ne revient pas. Impossible de
songer à dormir. Je finis par appeler en frappant de la main contre la
porte, pour quémander un livre. Au bout d’une demi-heure de
négociations, on me laisse en prendre un. Je me sens mieux, je me
blottis sous mon unique couverture.

« Rendez-vous dans dix ans »

Vers 23h30, un coup de téléphone : c’est l’ambassade de France. Une
dame me dit qu’elle va voir ce qu’elle peut faire. Je lui répète ce
que l’on m’a dit : je vais prendre un avion à 5h00 du matin. Ensuite,
plus de nouvelles.

Je lis, somnole un peu -j’ai vraiment froid. A 4h00 du matin, on vient
me chercher pour m’amener directement sur le tarmac. On me donne ma
carte d’embarquement, mon passeport est confié au personnel de bord.
Lorsque je monte dans l’avion, le policier israélien me dit, un
sourire en coin : « Rendez-vous dans dix ans. »

J’ai un passeport français valide, une lettre de mission du Consulat.
Ce qui ne va pas, c’est que je suis mariée avec un Palestinien. Je
dois donc faire demi-tour, et revenir par le pont Allenby, paraît-il.
Sauf que là-bas, c’est aussi à la police israélienne que je montrerai
mon passeport. Libre à elle alors, si elle le souhaite, de me refouler
à nouveau. Et personne ne lui dira rien.

http://www.rue89.com/2009/12/01/francaise-jai-ete-expulsee-disrael-pa...

CAPJPO-EuroPalestine

http://www.europalestine.com/spip.php?article4535

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