Un jeune de 22 ans sans papiers succombe à la faim et au froid
Pas plus que les autres, Riadh ne pouvait se douter qu'il s'agissait d'un mirage. L'Europe qu'il voulait atteindre - au sens propre comme au figuré - avait certes applaudi l'avènement de la Révolution dans son pays et salué le réveil des peuples arabes, mais elle avait aussi, dans le même temps, renforcé le travail de l'Agence militaire européenne de surveillance maritime, Frontex, chargée de rendre impossible tout franchissement de ses frontières via la mer.
Arrivé à Paris, physiquement et psychologiquement éprouvé, Riadh a échoué comme ses quelque quatre cents compagnons d'infortune au Square de La Villette puis dans la rue du Chemin de Fer à Paris, où il a dû, lui aussi, dormir à même le sol, dans le froid et la faim, à la merci des patrouilles de police. Et ce, alors que l'Europe bénéficie d'un arsenal juridique très développé en la matière et de la directive 55 de 2001 sur l'accueil temporaire des réfugiés en cas d'afflux massif en raison d'un conflit (créée après les guerres ethniques des Balkans), qu'elle s'obstine à ignorer.
Pour Riadh comme pour tous les autres, place au mépris, à l'abandon, ou mieux, à l'indifférence.
Et dire qu'au même moment, la Tunisie, en pleine transition démocratique, ne bénéficiant que de moyens modestes, accueillait quelque 175.000 réfugiés fuyant la guerre civile en Libye voisine, donnant la leçon à une Europe qui peinait à accueillir vingt mille Tunisiens, dans ce qui fut présenté comme un «afflux massif» de migrants.
Lorsque les autorités françaises, alertées par les médias, ont commencé à s'intéresser à ces jeunes Tunisiens et malgré les efforts de la Mairie de Paris, il était déjà trop tard pour Riadh. Victime du froid, du manque d'hygiène et de nourriture, il a succombé en cette nuit du 16 septembre.
Riadh voulait absolument venir en France, ce pays où il aimait voyager via sa parabole, où il pensait pouvoir décrocher un destin semblable à celui des «grands frères» qui rentraient chaque été auréolés de leur réussite, où il rêvait de vivre dans le respect et la dignité. A défaut de vivre en France, il y est mort. Mort, sans titre de séjour, sans laissez-passer, sans le moindre souci envers lui de l'administration française, ni des autorités consulaires tunisiennes qui ont ignoré sa dernière volonté, celle de repartir en Tunisie, se sachant condamné.
Comme il avait fourni à la police une fausse identité lors d'une arrestation, se faisant passer pour un ressortissant marocain, la dépouille mortelle de Riadh a failli être acheminée vers le Maroc. Lui qui avait déjà raté son départ de Tunisie, il a failli y manquer aussi son retour, son dernier retour.
Il avait renoncé à l'aide au retour volontaire prévue par la circulaire du 7 décembre 2006 (aide dont le montant de 2.000 euros s'est vu réduit par l'OFII à 300 euros seulement), voulant retourner mourir parmi les siens. Tout simplement.
Dans le silence assourdissant des autorités françaises et tunisiennes, Riadh est mort. Il n'avait que 22 ans.
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